Recherche et Applications en Marketing, 32(2) : 1-29.
Lydiane Nabec
Etiqueter les produits agroalimentaires sur les marchés permet ainsi à la fois de marquer leur nature et de conditionner socialement leur protocole de consommation. Pour remplir cette double fonction, l’étiquetage nutritionnel concerne « toutes les formes de diffusion d’information nutritionnelle sur un produit, allant des quantités de nutriments présentes dans l’aliment jusqu’aux valeurs nutritionnelles journalières de référence, aux allégations nutritionnelles et de santé » (Hieke et Taylor, 2012, p.126). Il se compose de trois éléments apposés sur l’emballage (annexe 1) : le tableau nutritionnel sur la face-arrière, les allégations nutritionnelles ou de santé mobilisées éventuellement en complément et les logos nutritionnels sur la face-avant. Dans un contexte où « l’épidémie» d’obésité et de surpoids touche désormais un tiers de la population mondiale1(Finucane et al., 2011), l’étiquetage nutritionnel porte un enjeu majeur de santé publique (PNNS 20162 ) : améliorer les comportements alimentaires des individus en les informant sur la qualité nutritionnelle des produits qu’ils consomment. L’étiquetage nutritionnel demeure en effet leur principal vecteur d’information car c’est le premier support avec lequel ils sont en contact sur le lieu de vente (Baltas, 2001). Il garantit la transparence de l’information sur la qualité nutritionnelle des produits et réduit l’asymétrie des relations avec les producteurs (Grunert et al., 2012).
En décembre 2016, l’apposition de l’étiquetage nutritionnel est devenue obligatoire en Europe pour l’ensemble des produits issus de l’industrie agroalimentaire. En complément, la nouvelle loi de Santé votée en France le 26 janvier 2016 pose le principe de l’apposition d’un logo nutritionnel sur la face-avant des emballages. De nombreuses recherches ont été menées ces dernières années pour comprendre les mécanismes de l’impact de l’étiquetage nutritionnel sur les comportements alimentaires (pour des synthèses récentes : Campos et al., 2011 ; Soederberg et al., 2015). Néanmoins, ces recherches présentent deux principales limites. Une première limite relève du fait qu’une majorité d’entre elles s’est concentrée sur l’usage de l’étiquetage nutritionnel par les consommateurs. Or cela ne suffit pas. Les mesures d’étiquetage nutritionnel peuvent engendrer des effets contraires à ceux attendus sur les comportements de consommation alimentaire (Chandon et Wansink, 2007a ; Gomez et al., 2015). C’est donc, au-delà de son simple usage, son impact sur la qualité des décisions alimentaires à long terme qui mérite de retenir l’attention. Dans cette logique, la Transformative Consumer Research (TCR) privilégie l’analyse du Bien-être individuel et collectif des consommateurs (Davis et Pechmann, 2011 ; Gorge et al., 2015 ; Grunert et al., 2012 ; Mick et al., 2012), notamment en matière d’alimentation (Block et al., 2011). Une seconde limite relève des facteurs considérés pour expliquer les effets de l’étiquetage nutritionnel sur les comportements de consommation. Or, pour appréhender son efficacité sur le Bien-être alimentaire des consommateurs, il est nécessaire de considérer l’influence du contexte culturel, social et sociétal dans lequel ils évoluent.
Cet article pose donc la question des effets de l’étiquetage nutritionnel des produits pour améliorer les comportements alimentaires des consommateurs. Au regard des apports et des limites des recherches actuelles, il propose un modèle intégrateur explicatif de son efficacité dans son contexte social, culturel et sociétal. Il en découle un nouvel agenda de recherche pour le marketing au service du Bien-être des consommateurs, structuré autour de trois axes prioritaires (Michie et al., 2011) : améliorer (1) la capacité des consommateurs à lire l’étiquetage nutritionnel, (2) l’opportunité du contexte dans lequel ils évoluent et (3) leur motivation pour le faire. Comprendre leurs antécédents permet dans une approche sociétale d’identifier les leviers d’actions pour les pouvoirs publics permettant de renforcer les effets de l’étiquetage nutritionnel sur les comportements alimentaires, notamment auprès des cibles les plus vulnérables.
Nabec L. (2017), Améliorer les comportements alimentaires avec l’étiquetage nutritionnel: vers un agenda de recherche au service du Bien-être des consommateurs, Recherche et Applications en Marketing, 32(2) : 1-29.