Adrien Barton KTH Royal Institute of Technology, Stockholm
Le paternalisme libertarien : ce simple intitulé semble relever de l’oxymore. Car si le paternalisme vise au bien des individus en limitant au besoin leur liberté de choix, la philosophie libertarienne prône au contraire de les laisser choisir sans entraves. Il est naturellement tentant de chercher à combiner les avantages de ces deux approches, et c’est justement là le défi que tente de relever le paternalisme libertarien, proposé par le juriste et philosophe Cass Sunstein et l’économiste Richard Thaler (Sunstein & Thaler, 2003 ; Thaler & Sunstein, 2008). Selon eux, une certaine dose de paternalisme se justifie par le fait que nous prenons fréquemment des décisions que nous estimons nous-mêmes mauvaises : nous fumons, buvons, mangeons trop, sans parvenir à nous maîtriser ; la plupart d’entre nous sommes prêts à donner nos organes après notre mort, sans pour autant nous enregistrer sur les listes de donneurs volontaires (dans les pays où cela est requis) ; nous souhaiterions épargner plus sans y parvenir, et regrettons nos choix a posteriori. Autrement dit, nous agissons fréquemment de manière irrationnelle, et ce pour diverses raisons : nos capacités cognitives sont limitées, nous manquons de maîtrise de soi, nous agissons par conformisme…