Colloque international « Enquête sur les Réseaux Emergents de Lutte contre le GAspillage »

Université de Strasbourg, 20-21 septembre 2018

Programme à télécharger ici 

L’essor et le renforcement des politiques de prévention et de recyclage des déchets, conjugués à un contexte de crise économique et de sensibilité accrue à la problématique environnementale (notamment par rapport à la perspective d’une finitude des ressources) ont, ces dernières années, réactivé la notion de gaspillage, particulièrement via la question de l’alimentation et du gaspillage alimentaire progressivement élargie à l’ensemble des objets et produits issus de la société de consommation.
Cette « matrice » d’interprétation des problèmes posés par les déchets n’est pourtant pas tout à fait récente : ses principaux termes (qui relient déchets et gaspillage) surgissent en effet essentiellement au tournant des années 1960-70 alors que la critique sociale se cristallise sur la dénonciation de la société de consommation et sur l’émergence de la « question environnementale ». Cependant, le bouillonnement des années 1970 passé, les décennies 80 et 90 marquent – pour schématiser – un certain oubli de la notion de gaspillage qui apparaît beaucoup moins mobilisée ou exclusivement dans certains cercles confinés. Si la fin des années 2000 voient l’attention et le message des pouvoirs publics sur la prévention des déchets se consolider – non sans ambiguïté et plus récemment par rapport à la notion d’ « économie circulaire » –, cette période marque aussi une « seconde vie » pour la notion de gaspillage à travers différentes initiatives issues de la société civile, certaines d’origine et d’inspiration outre-Atlantique (mouvement « zero waste » et « réseau de recyclage populaire », « dumpster diving », « freegan », etc.), mais également d’Europe du Nord et des Pays-Bas (à l’instar des « repair café » initiés en Hollande), avant de se développer de façon plus tardive en France.
Centrées sur la récupération et/ou la lutte contre le gaspillage, ces initiatives présentent certains traits spécifiques : diffuses, très localisées, reposant parfois sur quelques individus, plus ou moins ponctuelles, elles sont inscrites dans des réseaux et/ou collectifs, parfois souples et/ou informels (souvent médiés par Internet ou les « réseaux sociaux ») et pas toujours affiliés à ceux préexistants d’associations environnementales œuvrant sur la thématique des déchets, ni même à ceux déjà existant plus centrés sur la solidarité. Sur le fond, ces initiatives marquent à la fois un come back fort de la notion de gaspillage, voire son « acceptation » comme motif consistant de lutte et/ou d’engagement (alors même que l’écologie radicale des années 1970 refusait cette notion). Dans le même temps, elles s’inscrivent (dans), tout autant qu’elles participent d’une forte polysémie de l’idée même de lutte contre le gaspillage (de l’« évitement du déchet », de la « prévention » à la « dé-consommation », voire la « sobriété volontaire », en passant par l’ « économie collaborative », etc.) traduisant, de façon inégale, un élargissement de la problématique du gaspillage – tant symbolique (sur le plan du registre sémantique) que social (sur celui des réseaux d’acteurs mobilisés, des pratiques et des visées collectives) –, ainsi qu’un renouveau du projet écologique en direction de la vie quotidienne.
Dans la perspective ouverte par le programme RELGA (2016-2018) du laboratoire SAGE dans le cadre de l’appel à projet « Mobilisation de la notion de gaspillage » de l’ADEME, le présent appel à communication vise à interroger le type d’acteurs engagés dans ces collectifs et/ou réseaux, les formes d’action collective empruntées, les usages et les « dispositifs de sensibilisation » à la lutte contre le gaspillage qu’ils conçoivent, ainsi que leur éventuelle circulation. Dans ce cadre, plusieurs questionnements (non exhaustifs) pourront guider les propositions :
– Sur les acteurs engagés dans ces collectifs et/ou réseaux. Dans un contexte plus général marqué, à la fois, par une individuation des modes de vie et une technicisation de l’écologie (notamment en termes de « développement durable ») ayant tendance à exclure les acteurs ordinaires peu habitués à gérer la technique, les propositions chercheront à interroger les catégories d’acteurs engagés dans ces collectifs/leurs compétences/leur parcours : qui sont-ils ? quel est le recrutement social (au sens large) de ces initiatives ? en quoi ces acteurs mobilisés se différencient-ils du profil militant écolo/environnemental ayant déjà un(e) parcours/expérience associatif(ve) et/ou politique derrière lui ? quels sont les éléments liés aux trajectoires personnelles, professionnelles, aux expériences faites, aux modes de vie, qui permettent de rendre compte de leur inscription dans ces initiatives ? Sur toile de fond d’une dépolitisation de la problématique environnementale et d’une prise de conscience de l’inégale capacité des groupes sociaux à se mobiliser en la matière, il s’agira aussi de mettre à l’épreuve de façon critique le discours de « renouvellement » des profils militants, souvent porté par les associations et/ou collectifs mobilisés et en partie fondé sur une posture cherchant à « désacraliser » l’engagement. De façon liée, les propositions chercheront à interroger ce qu’il en coûte de s’engager, de se tenir à cette ligne de conduite. Elles pourront également questionner le rôle joué par certains acteurs sociaux dans ces initiatives, en particulier celui des femmes et celui des acteurs économiques.
– Sur les modalités d’action collective empruntées, les dispositifs de sensibilisation au gaspillage et/ou à des formes de « sobriété matière », conçus et leurs publics. Loin d’un militantisme idéologique et/ou de combat, la plupart de ces initiatives revendiquent un certain pragmatisme, une préoccupation pour l’action – quotidienne –, parfois en lien avec la mise à distance d’un associationnisme installé/subventionné et/ou expert/professionnalisé, et la revalorisation de la sphère économique comme lieu d’innovation sociale. Elles tendent aussi à investir des espaces privés/domestiques (à l’instar des « défi familles zéro déchet » par exemple), et revendiquent une finalité d’autonomisation à l’égard de la sphère industrielle. Sur quelles modalités concrètes, sur quels dispositifs organisationnels, parfois expérientiels (provoquer le trouble par exemple) ou arrangements pratiques, mais aussi sur quels réseaux d’acteurs et contextes, s’appuient ces initiatives ? Quel est leur public-cible ? Quel schéma/processus/parcours de conversion présupposent-elles? De quelle façon revisitent-elles un registre classique d’éducation à l’environnement ? Comment proposent-elles d’apprendre à ne pas gaspiller ? En quoi et comment l’action économique est-elle conçue comme un levier, voire une modalité d’action ? Plus largement, en quoi ces modalités d’action retravaillent-elles les impasses liées à la conception d’un changement global par de petits gestes ou par l’affirmation de « styles de vie » qui demeurent, soit inscrits dans le cadre de la consommation, soit encastrés dans des réseaux de sociabilités très locaux/micros et peinent à produire autre chose qu’une prise de conscience individuelle ?
– Sur les circulations et les élargissements des luttes. Dans le temps, d’abord. Comment expliquer le retour de cette thématique du gaspillage aujourd’hui ? Est-ce lié à une efficace propre par rapport à d’autres logiques de sensibilisation/mobilisation ? La mobilisation contemporaine est-elle différente de celle des années 1960-70 ? Dans l’espace, ensuite. Loin de se cantonner à l’espace national, la plupart de ces initiatives s’inscrivent dans un espace transnational de luttes et/ou de mouvements, voire s’en inspirent directement ou les transposent, et dans le même temps, retravaillent de façon parfois extrêmement fine l’espace de la localité à travers un maillage ou la construction de réseaux très micros. Qu’est-ce qui circule d’un mouvement et/ou d’une échelle à l’autre ? En quoi et comment ces initiatives s’inscrivent-elles dans et/ou s’élargissent-elles à des thématiques plus récentes cherchant : soit, à élargir la notion de gaspillage, aujourd’hui fortement rattachée au gaspillage alimentaire, vers l’idée de gaspillage d’objets et de matières ; soit, à renouveler le projet écologique vers une « sobriété volontaire », et/ou une « sobriété matière », et/ou une « écologie populaire », etc. ? Ne faut-il pas plutôt les considérer comme des tentatives pour dépasser/relocaliser des utopies ou visions jugées peu opérantes ou trop vagues ? Quel est le rôle – détecteur/support/généralisateur – des pouvoirs publics dans ces circulations et ces élargissements ? Quel est celui des rapports inter-associatifs ?
Les contributions de chercheurs et jeunes chercheurs sociologues, anthropologues, géographes, économistes, philosophes, mais également interdisciplinaires, comme celles s’appuyant sur des enquêtes de terrain, et/ou sur des comparaisons internationales, sont les bienvenues. Les contributions de celles et ceux engagés dans ces collectifs et/ou réseaux également. Sous réserve des propositions reçues, une table-ronde chercheurs/militants pourra être organisée dans le cadre du colloque. En fonction des propositions reçues, un ouvrage collectif pourra être publié en 2019 à l’issue du colloque, à partir d’un choix de contributions, dans le cadre du programme RELGA.

Modalités de soumission des propositions de communication

Les propositions de communication de deux pages maximum, incluant une brève présentation des auteurs, leur affiliation institutionnelle ainsi que leurs coordonnées,sont attendues, par mail (hajek@unistra.fr), le 30 avril 2018 au plus tard. Les réponses seront adressées aux auteurs avant le 1er juin 2018.

Comité scientifique

Rémi BARBIER (PR, ENGEES, Dir. de l’UMR GESTE), Delphine CORTEEL (MCF, REGARDS, URCA), Mireille DIETSCHY (chargée d’étude RELGA, SAGE-UdS), Isabelle HAJEK (responsable scientifique RELGA, MCF, IUAR, SAGE-UdS), Philippe HAMMAN (PR, IUAR, SAGE-UdS), Sylvie OLLITRAULT (Dir. CNRS, Dir. de l’UMR ARENES-Crape), Nathalie ORTAR (CR MEDDE, UMR LAET), Maurice WINTZ (MCF, Dir. de l’IUAR, SAGE-UdS).

Comité d’organisation

Marianne BLOQUEL (coordinatrice de l’appel à projet « Mobilisation de la notion de gaspillage », ADEME), Mireille DIETSCHY (chargée d’étude du programme RELGA, SAGE-UdS), Isabelle HAJEK (MCF, responsable scientifique du programme RELGA, SAGE-UdS).

Contact : Isabelle HAJEK, SAGE-UdS : <hajek@unistra.fr>

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