Séminaire « Langage, vie et vérité », 2 décembre 2017

Centre de philosophie contemporaine de la Sorbonne

Séance commune des séminaires Wittgenstein & Foucault : autour de La force du vrai de Daniele Lorenzini

 

Par Stéphane Borraz

 

Le 2 décembre 2017 s’est tenu un séminaire « Langage, vie et vérité » au département de philosophie de la Sorbonne Paris 1 (Centre de philosophie contemporaine de la Sorbonne -PhiCo). Ce séminaire se donnait pour objectif de discuter le dernier ouvrage de Daniele Lorenzini, La force du vrai : De Foucault à Austin, et d’instaurer un dialogue fécond entre (notamment) Foucault, Wittgenstein et Austin.

Après avoir rappelé la force perlocutoire du « dire vrai » ou « le pouvoir des mots », capable de transformer la réalité selon Austin, Lorenzini présente les conditions de constitution d’un énoncé performatif. Reprenant Bourdieu (Ce que parler veut dire), il commence par rapporter que les énoncés ne sont pas « pure itérabilité » et que les potentialités d’action, de résistance, de l’ « insurrectionnel du discours » (Barfleur) ne sont pas détachables des conditions sociales de l’énonciation, du jeu social des acteurs et de leurs positions de pouvoir. Avec Butler et Derrida contre Bourdieu, il rappelle néanmoins qu’il y a dans le langage une « force performative qui se rejoue des formules conventionnelles de façon non conventionnelle » (Lorenzini p.16)

En liant les apports de Austin, et ceux de Cavell sur les «  énoncés passionnés », l’étude de Lorenzini vise à la compréhension de la « force de rupture » que possède les mots dans le discours du parrhésiaste (celui qui dit la vérité). Le discours de parrhèsia est opposé au discours de la rhétorique en ce qu’il prend un certain risque, révèle un courage social dans l’opposition à l’interlocuteur. En abordant la question de la vérité, Lorenzini rappelle que les discours de vérité ne sont « ni vrais ni faux » (ni objectif, ni subjectif) car la vérité s’énonce ici dans une perspective stratégique qui met à l’épreuve et porte en elle un rapport de transformation, « vérité véhémente » selon Foucault.

Enfin, bouclant implicitement avec Bourdieu, Lorenzini rapporte que la vérité s’énonce toujours dans un contexte social, interpersonnel et que les discours de vérité se plient toujours à un certain « régime de vérité » (ce que je sais être vrai avant de l’énoncer). Les régimes de vérité de la philosophie sont donc ici mis ici en correspondance avec les règles du jeu social de la sociologie (champs, habitus, et positions symboliques).

 

Lorenzini, Daniele. La force du vrai : De Foucault à Austin. Latresne, Editions Le Bord de l’eau, 2017.

Note de l’éditeur : cet ouvrage propose une lecture originale du projet foucaldien d’une histoire de la vérité qui vise à en mettre clairement en lumière les enjeux éthiques et politiques, grâce à l’établissement d’une confrontation entre les analyses de Foucault sur la parrêsia antique, les travaux de J.L. Austin sur l’énoncé performatif et l’étude de l’énoncé passionné par Stanley Cavell. Le problème qui est ainsi posé, en lien mais également en décalage avec les réflexions traditionnelles sur le pouvoir des mots, est celui de la force du vrai : est-il possible ou légitime d’affirmer que la vérité est une force qui s’inscrit, de manière toujours « stratégique », à l’intérieur d’un champ de bataille ? En répondant par l’affirmative, cet ouvrage entreprend d’interroger sous un angle inédit les rapports entre vérité, critique et vie au sein d’une éthique et d’une politique du dire-vrai.

 

Daniele Lorenzini, docteur en philosophie de l’Université Paris-Est et de l’Université « La Sapienza » de Rome, est chercheur postdoctoral au Centre Prospéro de l’Université Saint-Louis – Bruxelles. Auteur de nombreux ouvrages dont Éthique et politique de soi (Vrin, 2015), il a tout récemment établi l’édition critique de M. Foucault, Dire vrai sur soi-même (Vrin, 2017).