Appel à communications du RT11 \ »Catégorisations, consommation et usages du numérique\ »

Depuis l’institutionnalisation de la sociologie comme discipline scientifique, le phénomène de la consommation a particulièrement été l’objet de catégorisations, à la fois des personnes qui consomment et des pratiques de consommation. Plus près de nous, les usages du numérique donnent également lieu à une intense production de catégories, que ce soit pour évaluer des commerces ou pour « cibler » des biens ou services à proposer aux internautes, pour ne prendre que deux exemples en guise d’amorce.

Pour le RT11, l’enjeu de ce congrès sera de mettre sur le métier tout le travail de catégorisation (des acteurs et des chercheurs) relatif à ses deux thèmes de prédilection, qui s’enchevêtrent (la consommation et le numérique). Il conviendra de s’interroger sur les effets de cette production de catégories (notamment en termes de performativité, soit l’effet des catégories sur le réel) ainsi que d’en appréhender la genèse et d’en pénétrer les coulisses.

Les propositions de communication pourront se situer par rapport aux trois entrées (non exclusives) déclinées ci-dessous :

  1. Consommation et stratification sociale

Les premiers travaux des sociologues de la consommation étaient attentifs à la structure des dépenses et à leur distribution, en lien avec les modes de vie. Une première série de contributions pourrait traiter de l’actualité d’une approche portant sur la différenciation sociale de et par la consommation. En bref, en quoi les dépenses des ménages, mais aussi leurs manières de consommer, reflètent-t-elles (toujours) la stratification sociale ? Ces disparités sont-elles sources d’inégalités ? Participent-elles de la reproduction des groupes sociaux ? Quelle est aujourd’hui la pertinence de concepts classiques comme la distinction ou l’ostentation qui rappellent la hiérarchisation sociale ? Et symétriquement, la consommation participe-t-elle à construire du commun ? Ainsi notamment, en interrogeant sur la frontière entre culture et consommation, l’étude de la consommation peut potentiellement permettre d’identifier les contours d’une « classe populaire ». A cette fin, les résultats des grandes enquêtes statistiques récurrentes (budgets de famille, budget-temps, pratiques culturelles des français, etc.), combinés parfois à des enquêtes ethnographiques menées auprès de groupes sociaux déterminés, permettent de suivre l’évolution des dépenses selon les postes budgétaires et de les mettre en rapport avec la (re)composition des groupes sociaux. De façon plus qualitative, on peut également s’interroger sur la façon dont les individus, au sein des ménages, classent leurs dépenses, comment ils « comptent » et valorisent « ce qui compte » pour eux ou pour des tiers. Cela peut par exemple concerner la consommation alimentaire ou énergétique, dans une tension entre individualisation et collectivisation de ces pratiques. Une autre tension à explorer est le décalage entre des valeurs déclarées et des comportements réels. Les enjeux du recours au crédit, à l’emprunt (à des banques, à des tiers) et de l’endettement pourront enfin être abordés.

2.  Classement de l’offre et des consommateurs via les usages du numérique

La sociologie de la consommation ne se limite pas à une analyse des pratiques de consommation dans des espaces physiques. Dans les espaces en ligne, l’essor d’Internet a aussi contribué au développement des classements ou des déclassements de l’offre de biens et de services par l’expression, sous la forme de commentaires et d’évaluations d’amateurs, en particulier. Basées sur des recherches menées aussi bien sur les entreprises de prescription que sur les contenus éditoriaux des internautes, des communications pourraient se pencher sur le fonctionnement de ces nouvelles formes de classement, d’une part, et, à leur capacité à gouverner les conduites, d’autre part, en s’intéressant à leur réception par les consommateurs qui sont en l’occurrence des usagers d’Internet. De manière générale, la puissance de calcul des algorithmes sur le Web et le poids toujours plus croissant des Big Data (et de leur traitement) amènent de surcroît à inférer des catégories et tentent de nous faire agir en fonction de celles-ci. Ces catégories sont pensées en rapport à des comportements d’usages et des pratiques avérés ou anticipés, si bien que l’on ne sait plus qui performe quoi (ou qui manipule qui). Enfin, il sera possible d’étudier la façon dont usages et catégorisations s’articulent finement, au travers des applications musicales (Deezer, etc.) et télévisuelles (Netflix, etc.) en particulier, qui proposent des catégories en même temps qu’ils offrent la possibilité d’en créer pour soi.  

Au-delà, il s’agit aussi d’examiner comment des dispositifs, visant à rationaliser les décisions des consommateurs, se sont étendus à d’autres espaces que le monde marchand (applications pour l’alimentation quotidienne, quantified self, prescription en matière culturelle, etc.) et produisent de nouvelles formes de rapport au corps ou à la culture. Un éclairage souhaitable sur les catégories fabriquées en milieu professionnel, dans la lignée des socio-styles et des « cibles marketing », notamment à travers de l’étude des traces numériques, relève également de cet ensemble de questionnements. Il s’agira enfin d’examiner les catégorisations produites par les usagers-consommateurs eux-mêmes, pour disqualifier d’autres groupes et pour s’identifier.

3. Consommations alternatives et catégories pour penser la consommation et le numérique   

Un troisième ensemble de communications pourrait s’intéresser aux nouvelles normes de consommation en émergence, à leur production, à leur légitimation, leur réception, ainsi qu’à la normativité qui peut les entourer. Il s’agit ici d’envisager des formes de consommation alternatives au modèle dominant, qui sont souvent porteuses d’un plus grand souci de la défense de l’environnement. Pêle-mêle, sont notamment charriés (et valorisés) ici : les circuits-courts, l’agriculture biologique, le marché de l’occasion, les plateformes de dons d’objets, les réseaux d’enseignes « bio », etc. Cet ensemble non exhaustif présente autant de manifestations d’une remise en cause renouvelée de la « société de consommation ». Il peut être englobé sous les étiquettes de « consommation responsable », voire « frugale », et même donner lieu à des pratiques pouvant être perçues comme radicales (véganisme, survivalisme, etc.). En outre, la consommation dite « collaborative » ne peut être occultée parmi les catégories prisées aujourd’hui, même si des dénonciations ou simplement des descriptions d’un « capitalisme des plateformes » a érodé son attractivité.

Pour aller plus spécifiquement vers le domaine du numérique, de multiples catégories et dénominations circulent (« digital labor », fablabs, « digitalisation », « ubérisation », etc.) ainsi que des concepts à la fois partagés par les acteurs et les chercheurs (capabilities, empowerment, etc.). Ce partage et cette circulation sont peu discutés. Au-delà, cela pose la question du rapport aux catégories que les sociologues élaborent ou emploient, sachant qu’elles peuvent être performatives, récupérées, donner lieu à des malentendus, etc. Cette réflexivité est également impérieuse pour les chercheurs se plaçant dans une perspective de recherche-action ou de recherche-intervention, qui pourraient apporter un éclairage stimulant à ce propos comme sur d’autres.

Ces trois axes sont indicatifs. Le RT 11 est ouvert à toute autre thématique qui ne serait pas développée dans cet appel, au croisement de la sociologie de la consommation et du numérique et du thème du congrès.

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Soumission des propositions de communication

Les propositions de communication doivent être envoyées le 15 février 2019 au plus tard, et doivent contenir :

– La formulation d’une problématique sociologique et le matériau empirique sur lequel s’appuiera la réflexion (les communications de nature théorique ne seront néanmoins pas exclues a priori).

– Des résultats

– Le nom, prénom, adresse postale, institution de rattachement, adresse courriel, de chaque auteur

– En cas d’auteurs multiples, le nom de l’auteur « contact »

– Le titre de la proposition de communication

– Un résumé de 1 500 signes, espace compris, maximum

– La proposition de communication consistera en un seul fichier, nommé :

« AFS2019-RT11-NOMdu1erauteur », en .doc, .docx, .pdf, ou .rtf

Il devra être enregistré sur le nouveau site de l’AFS

Calendrier

  • Proposition attendue pour le 15 février 2019 dernier délai (ouverture du site AFS pour l’enregistrement de la proposition : 15 janvier 2019)
  • Ouverture des inscriptions au congrès : 15 mars
  • Sélection et réponses aux auteurs : fin mars 2019
  • Envoi d’un résumé long (4 pages maximum) aux organisateurs : 1 juin 2019

A noter qu’à l’issue du congrès, un projet de numéro spécial dans la revue Carnets de Consommation sera lancée sur la base des résumés longs (4 pages maximum) demandés pour le 1er juin.

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