Programme
9h15 : Ouverture de la journée
9h30 – 10h30 : Le sain et le soin, ou les deux sens de la vie – Philippe Sabot, Professeur des Universités en philosophie contemporaine à l’Université de Lille
10h30 – 11h00 : Pause
11h00 – 12h00 : Urgence sociale et pratique du care – Stéphane Routier, Chef de service Equipes mobiles Samu social – 115
12h00 – 13h00 Déjeuner
13h00 – 14h 00 Session 1
- Le bien-être alimentaire des familles vulnérables à l’épreuve de la COVID 19 : des stratégies de coping ancrées dans le care – Ophélie Mugel, Ferrandi Paris, IRG ; Margot Dyen, Centre de recherche de l’Institut Paul Bocuse ; Valérie Hémar- Nicolas, Université Paris-Saclay, RITM
- Bien-être animal et traitement d’autrui : panser dans un contexte biopolitique, Pierre Blondet, Université Paris 2 Panthéon-Assas, Laboratoire LARGEPA
14h15 – 16h00 Session 2
- La vulnérabilité perçue face à l’usager des algorithmes d’intelligence artificielle dans les services de soin – Monica Turicini, Université Paris Descartes, Laboratoire LIRAES
- Quand le numérique crée une expérience de vulnérabilité : l’apport de la théorie du care – Léa Cauchard, Université de Montpellier, Laboratoire MRM
- EcSAAM : a model studying the acceptance and effect of virtual agents, holograms and robots on loneliness and quality of life, for elderly care in a context of Covid or social isolation – Brice Pablo de Diesbach, ISG-Paris ; Richard P. Bagozzi, Ross School of Business ; Alexandre Mazel, SoftBank Robotics Europe ; Jean-Philippe Galan, Université de Bordeaux, IRGO ; Michele Grimaldi, Sorbonne Université, ISIR-PIROS ; Maria Cornide Santos, General Hospital of Segovia
La journée est gratuite mais l’inscription est obligatoire avant le 20 juin.
Le formulaire d’inscription et le programme détaillé de la journée.
Appel à Contributions
La crise sanitaire a mis en question le souci des autres et de soi. Ont été interrogés nos préoccupations pour la santé d’autrui, les modèles de société qui les sous-tendent, ainsi que nos façons de concevoir le bien-être individuel. Si le premier confinement a mis la notion de soin au centre du débat public, c’est notamment parce que celle-ci, exigeant du temps et de l’énergie, est souvent peu compatible avec la dynamique capitaliste et ses impératifs d’efficience et de vitesse (Fleury, 2019). Alors que le monde a semblé s’interrompre dans sa course, on a pu croire ce temps retrouvé. Certains théoriciens se sont alors pris à espérer que « de cette crise émergeront peut-être plusieurs prises de conscience : le besoin de soin, la nécessité d’une rémunération et d’un soutien juste et équitable pour le travail de soins, et, enfin, celle d’être reconnaissants pour les soins que nous dispensons et ceux que nous recevons » (Tronto, France culture, 5 mai.).
Ce que nous appelons ici « prendre soin » n’est que la traduction partielle et maladroite d’un concept anglo-saxon plus complexe, le « care », qui a animé bien des discussions ces dernières années. Le care a pris racine en psychologie, dans une réflexion sur la morale. Au-delà du seul soin, le care recouvre diverses significations : « la sollicitude, le soin, prendre en charge, s’occuper de, par l’amour, ou l’affection… » (Nurock, 2020). En cela, il s’agit « d’une activité générique qui comprend tout ce que nous faisons pour maintenir, perpétuer et réparer notre monde, de sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible » (Tronto, 1993). Il existe deux types principaux de care: celui relatif au soi et celui relatif à autrui (Noel-Hureaux, 2015).
Cette définition montre d’une part que le care n’est pas simplement rattaché au monde de la santé. Il concerne l’ensemble de la vie et des « actes quotidiens du maintien, de l’entretien de l’existence tant au plan individuel, collectif que sociétal » (Noel-Hureaux, 2015, p.7). Manquer de soins ou ne pas être capable de délivrer correctement des soins atteint de ce fait l’individu dans sa propre humanité, remettant en question l’orientation de son activité générale, et devient donc une véritable question de philosophie politique et morale (Worms, 2010).
Cependant, c’est sûrement dans le monde de la santé que la notion du care est la plus visible, et est l’un des contextes où elle est le plus mise en péril. Fleury (2019) nous rappelle en effet que « la santé, comme l’éducation, est ce haut lieu de la construction et de la protection de la personne » (p.12). Beaucoup s’accordent à montrer que c’est une dynamique de cure et non de care qui a pris la place dans le monde de la santé, alors que la dynamique relationnelle est fondamentale pour orienter le patient vers une guérison. Etre malade, et se rétablir, ne tient pas seulement à un rétablissement physiologique mais aussi à un « bien-être physique, psychique, social – et ajoutons environnemental » (Fleury, 2019, p.9). Les soins doivent donc être repensés dans leur globalité, et notamment dans leur compréhension socio-culturelle (Canguilhem, 1966). Ces interactions entre soignants et patients est fondamentale pour replacer le soin dans une logique de partage (Fleury, 2019).
D’autre part, la façon même dont le care a été élaboré répond à une réflexion sur le genre. Car pour Gilligan (1982), la morale est institutionnalisée différemment à l’égard des hommes et des femmes : la morale masculine se rapporte plutôt à la justice tandis que la morale féminine se comprend par rapport au soin des autres et à une forme d’attention pour l’autre. Le développement d’un capital social à travers le soin des autres demeure encore dévalorisé et sous-estimé, et tient principalement aux métiers de la solidarité attribués aux femmes.
Les recherches en consommation sur le soin demeurent peu nombreuses. Dans la veine des recherches précédemment cités, Thompson (1996) montre que la construction sociale de la féminité et de la maternité s’oriente autour du care, d’un individu ancré dans le relationnel et notamment dans la sphère familiale. Shaw et al. (2017) ou Chatzidakis, Shaw et Allen (2018) suggèrent pourtant que la consommation pourrait réorienter la réflexion sur le care en offrant une définition dynamique et systémique intégrant plusieurs parties prenantes, entretenant un lien profond entre le soin pour soi et le soin pour les autres et introduisent de nouvelles conditions à la réalisation du care telles que l’espoir, la confiance et le respect. Le langage mobilisé autour du care pose aussi question (Shaw, McMaster et Newholm, 2016) compte tenu de la diversité des comportements de consommateurs engagés dans des formes de care. Récemment, des auteurs (Parsons et al., 2021) ont aussi souligné le pouvoir transformatif du care dans les logiques de co-création entre consommateurs et organisations.
A la suite des deux premières journées « Consommation et Histoire » et « Consommation et Espace », cette journée vise à proposer différentes réflexions autour du soin à l’aune de la consommation.
Elle accueille des contributions empiriques ou conceptuelles abordant des thèmes dont la liste suivante ne présente qu’un éventail non-exhaustif :
- Bien-être et soin de soi : nous assistons récemment à une croissance des ouvrages, conférences, remèdes autour de l’épanouissement personnel, de la prise d’autonomie et d’un retour à la confiance en soi. Ce phénomène peut être perçu comme un moyen de replacer l’individu au cœur des pratiques du soin, mais peut aussi être critiqué pour sa construction de normes et impératifs autour du bien-être individuel et du soin de soi (Heilbrunn, 2019). De quelle manière la société de consommation valorise t-elle la notion de bien-être ? Quelles sont les trajectoires des consommateurs qui (re)prennent soin d’eux ? Le soin de soi peut-il devenir un nouvel outil de distinction sociale et culturelle ?
- Ethique du care et genre : la réflexion sur le care est désormais incontestablement liée à une réflexion sur le genre et les inégalités (Molinier, 2013). De quelle manière le marché participe-t-il à des inégalités de genre en créant des impératifs du « prendre soin » pour certains individus ?
- Soin des objets : le soin vers autrui peut aussi prendre la forme d’un soin vers d’autres « choses », tels que les objets qui suscitent une attention soutenue, un langage autour du soin, des formes de valorisation, etc. (Belk, 1988).
- Care et vulnérabilité : quel est la valeur transformative du care dans le champ de la consommation et dans les relations organisées par le marché (Parsons et al., 2021) ? Repenser les formes de vulnérabilité dans la consommation amène à repenser les relations qui se forment avec des personnes qui sont défavorisées, en raison d’un handicap, d’une situation de pauvreté, de formes d’illiteracy, de troubles mentaux, etc. Il est impératif que l’on prenne soin de ces consommateurs, mais quelle(s) forme(s) de soin sont alors à l’œuvre et comment sont-elles mises en place par des acteurs variés opérant dans la société de consommation ?
Organisée sous l’égide du réseau Alcor-GIT afm (Alternative Consumption Research), cette journée se veut un temps d’échanges entre différentes disciplines : marketing, santé publique, anthropologie, sociologie, histoire, et plus largement tout chercheur intéressé par des perspectives sur le soin et la consommation. Selon leur positionnement, les propositions de communication pourront être soumises, à l’issue de cette journée, aux revues Carnets de la Consommation, Décisions Marketing, et Recherche et Applications en Marketing.
Soumission des propositions de communication
Les propositions de communication doivent être envoyées pour le 30 Mars 2021 au plus tard à helene.gorge@univ-lille.fr et anthony.galluzzo@univ-st-etienne.fr sous la forme d’un document word comprenant :
- Une page de garde (nom, prénom, adresse courriel et adresse postale, institution de rattachement, de chaque auteur ; le nom de l’auteur « contact », le titre de la proposition de communication, un résumé de 200 mots en français et en anglais) ;
- La proposition de 5 pages maximum, hors bibliographie.
Calendrier
Envoi des propositions : 10 Avril 2021
Sélection et réponses aux auteurs : 30 Avril 2021
Organisation de la journée et inscriptions
La journée Consommation et soins aura lieu le 1er juillet 2020 à l’Université de Lille.
Comité scientifique
Laure Ambroise, Université Lyon 2
Anthony Beudaert, Université Savoie Mont Blanc
Audrey Bonnemaizon, Université Paris Est
Laurent Busca, Institut Montpellier Management
Anthony Galluzzo, Université Saint-Etienne
Hélène Gorge, Université de Lille
Margaret Josion-Portail, Université Paris Est
Marine Kergoat, Université Saint-Etienne
Cristina Longo, Université de Lille
Jean-Philippe Nau, Université de Lorraine
Nil Özçağlar-Toulouse, Université de Lille
Dominique Roux, Université de Reims-Champagne Ardennes
Comité d’organisation
Anthony Galluzzo
Hélène Gorge
Références bibliographiques
Belk R. (1988), Possessions and the extended self, Journal of Consumer Research, 15, 2, 139-168.
Canguilhem G. (1966), Le normal et le pathologique, Paris, PUF.
Chatzidakis A., Shaw D. et Allen M. (2018), A psycho-social approach to consumer ethics, Journal of Consumer Culture, 1-123.
Fleury C. (2019), Le soin est un humanisme, Tracts, Gallimard.
Gilligan C. (1982), New maps of development : new visions of maturity, American Journal of Orthopsychiatry, 52, 2, 199-212.
Heilbrunn B. (2019), L’obsession du bien-être, Paris, Robert Laffont.
Molinier P. (2013), Le travail du care, Paris, La Dispute.
Noël-Hureaux, E. (2015), Le care : un concept professionnel aux limites humaines ? Recherche en soins infirmiers, 3, 122, 7-17.
Nurock V. (2020), Le « care » : d’une théorie sexiste à un concept politique et féministe, France culture, 6 Juin. [https://www.franceculture.fr/societe/le-care-dune-theorie-sexiste-a-un-concept-politique-et-feministe]
Parsons E., Kearney T., Surman E., Cappellini B., Moffat S., Harman C. et Scheurenbrand K. (2021), Who really cares ? Introducing an « Ethics of care » to debates on transformative value co-creation, Journal of Business Research, 122, 794-804.
Shaw D., McMaster R., Longo C. et Ozçaglar-Toulouse N. (2017), Ethical qualities in consumption : towards a theory of care, Marketing Theory, 17, 4, 415-433.
Shaw D., McMaster R. et Newholm T. (2016), Care and commitment in ethical consumption : an exploration of the « attitude-behaviour gap », Journal of Business Ethics, 136, 2, 251-265.
Thompson C. (1996), Caring consumers : gendered consumption meanings and the juggling lifestyle, Journal of Consumer Research, 22, 388-407.
Tronto J.C. (1993), Moral boundaries. A political argument for an ethic of care, New York, Routledge.
Worms F. (2010), Le moment du soin. A quoi tenons-nous ? Paris, Presses Universitaires de France.